mardi, septembre 09, 2008

j'ai retrouvé de l'encre

Je ne lui ai toujours pas dis. J’avais posé sur la table de la cuisine une pochette bleue. Mon passeport, une pièce d’identité, l’argent, et la réservation d’hôtel, s’y trouvaient depuis jeudi soir. Je n’ai pas osé. Je l’ai répété une centaine de fois dans ma tête, lorsque penchée sur le robinet de la salle de bain, je me lavais le visage. Non je ne me lavais pas, je me tenais éveillée, au contact de l’eau froide. Et je me répétais dans ma tête des centaines de fois lorsque je pliais son linge, je m’imaginais lui parlant de nous, de cette horreur, de cette souffrance.

J’avais laissé dans la penderie, mes robes d’été, mes sandales, mes chaussures de danse. Dans un flacon macérait les dernières essences du parfum que j’ai porté l’hiver dernier. Des épingles à cheveux, des boucles d’oreilles noircies par le temps, une dizaine de pots de crèmes, des tickets de caisse, de la monnaie, des boutons tombés de mes affaires, et une aiguille, trainaient à côté. J’ai posé un regard de celle qui se convainc d’avoir fait le nécessaire, avant de refermer. Le remord ne m’a pas effleuré un seul instant, les regrets fusaient dans ma tête. Et la peur.

Il était 14h23. J’ai regardé l’horloge de l’ordinateur encore allumé sur la table d’entrée. Il n’a pas cillé. Il attendait. Il savait que quelque chose de décisif allait se passer. Que j’allais enfin parler. Il craignait quand je parlais, comme quand moi je craignais qu’il ne parte par la porte arrière. J’ai toujours craint qu’un jour il ne se languisse de la douceur, de l’humilité et de la patience dont j’étais capable et qu’une autre, plus reconnaissante, l’attende quelque part, le sourire menacé.

Lui, il avait la peur de ne jamais combler la brèche. Cette capacité inouïe de ne jamais crier à la satiété. Telle une éponge, j’absorbais son amour, sa passion, sa colère, sa foudre et sa loyauté aussi. Il ne suffisait jamais de sa personne, jamais de ses actes, manqués ou réfléchis. J’absorbais pour mieux le surprendre, pour le voir heureux et aussi pour l’humilier. Il ne regardait pas au fond de moi. Il regardait à travers. Je l’ai su le soir où, pensant bien faire, il m’a emmené faire les magasins pour m’offrir ce que je désirais le plus pour nos noces de froment. Il avait oublié la surprise. La joie. Contre son gré j’avais choisi une nouvelle parure de lit. Dans un grand magasin où l’argent et l’égo font bon ménage, j’ai choisi la parure la plusbelle. Lui il dira que c’est la plus chère.

Il ignorait que le contact de ces tissus en coton de soie gris perle, n’était fait que pour faire durer l’envie. La sienne, de me toucher encore et encore. C’était un message. Il ne semblait pas avoir compris. Il regardait ailleurs, probablement la french manucure de la vendeuse qui d’un revers de main, faisait étaler de la dentelle, du shantung, crêpe, voile et satin sur la surface en bois rutilant. Et d’un coup je lâche un rire gai et hautain. Et les clientes du fond de leur parfum capiteux ce sont retournées. Il me regarde ahuri :« Qu’est-ce qui se passe ? » je dis confuse « Oh non c’est rien, j’ai oublié de te dire que j’avais prévu une surprise pour toi. La surprise devrait arriver à ton bureau. Maintenant que tu es là, ça a tout gaché». Surpris il ne savait pas quoi en comprendre. Je me colle à son oreille, et je lui dis taquine « ne t’inquiète pas, ce soir de me ferai pardonner », et c’est à la vendeuse que j’ai fais un clin d’œil complice. Elle a souri, elle ne savait pas à quoi, ni pour quoi. « C’est celui-là que je veux, ayez l’amabilité de m’en faire un paquet, c’est pour offrir », il reste sans rien dire. Il se demande ce que je suis en train de faire. Une fois la nouvelle literie emballée, il en était ravi, j’avais l’air ravie. La vendeuse aussi. J’étais surprise par le pouvoir que pouvait exercer une démarche quelque peu primaire.

Il a pris le sac, poussé la porte du magasin et s’est heurté à cet homme se tenant sur le pas de la porte, le portable à l’oreille. Il y avait aussi cet enfant dans sa poussette. J’ai souri. « C’est beaucoup mieux quand tu souris » qu’il me dit. Quand je vois des enfants, oui. Je me suis penchée, de sa main elle s’est agrippée à ma chaîne. Deux anges et un petit démon en pendaient. J’ai cédé, et mes cheveux se sont emmêlés à cette odeur de blé… Il m’a prise par la main. Doucement telle une enfant, j’ai trébuché dans mes escarpins, je ne voulais plus partir. La fille, parce que c’était une fille de près de neuf mois d’âge, avait un œil miel et l’autre vert. Je n’ai jamais vu d’aussi beaux yeux de ma vie. Elle se tenait à mes anges… et l’histoire n’est pas finie.

5 commentaires:

Unknown a dit…

Béni soit celui qui t'as rendu l'inspiration .. ;)
La suite !

24Faubourg a dit…

Amen :) je couve, je couve...

ice a dit…

Moi je dis , maudit soit celui qui pige pas un tel message de la part non pas de sa copine ou sa petite amie mais de sa femme!
non c'est vrai qu'on peut se lasser un peu de ses choses là au bout de 3ans de vie commune,qu'ils deviennent plus banale quoi ! mais tout de meme rester insensible à une litterie en coton de soie que MA nana a choisie pour NOUS 2 !
ça sent le pourri tout de meme!

Ps: Moi aussi ça me fait cet effet là à peu près de croiser des anges , peut etre que tu dois envisager d'en faire pour faire revivre ton couple ah qui sait :-)

A méditer

24Faubourg a dit…

Ice: c'est de la fiction! ne t'inquiètes pas pour moi :)

ice a dit…

ah bon !

Merçi quand meme!voilà comme ça j'ai l'air d'un con...

Excuse moi mais c'est parceque je te connais pas assez(enfin pas encore).
Je croyais que c'était des faits de ta vie privée,enfin bon ,je prendrais un jour le temps de parcourir tout le blog , ça me permettra de ne plus me planter dans le futur.
Enfin j'espère!